Pourquoi le vin séduit-il le Japon ?

– Une analyse du marché par une étudiante japonaise en France

En vivant en France, j’ai découvert à quel point le vin fait partie du quotidien et de la culture.
Au Japon, la consommation effective de vin est en augmentation, mais le vin n’est pas encore largement intégré dans le quotidien des consommateurs.
Néanmoins, le marché évolue progressivement, avec l’émergence de nouvelles habitudes de consommation et de valeurs qui influencent la manière dont le vin est apprécié.
Dans cet article, je propose une analyse du marché japonais du vin, basée à la fois sur mes observations personnelles et sur des données économiques.

Sommaire :

Le contexte général du marché japonais du vin
Tendances récentes de la consommation au Japon
Le cadre économique et douanier
Spécificités du marché japonais : attractivité et risques
Polarisation du marché et essor du vin japonais
Conclusion

1. Principaux pays fournisseurs, modes d’importation et évolution des prix

Le Japon dépend fortement des importations pour sa consommation de vin, avec la France, l’Italie, le Chili et l’Espagne comme principaux pays fournisseurs. En 2024, les vins français représentaient environ 35 à 40 % des importations en valeur, suivis par le Chili avec environ 20 % et l’Italie avec 15 %.

https://www.nippon.com/en/japan-data/h01518/?utm

Grâce à l’accord de partenariat économique (APE) entre le Japon et le Chili signé en 2015, les droits de douane ont été rapidement supprimés, favorisant l’expansion rapide des vins chiliens dans le segment à bas prix. Le vin en bouteille reste la forme d’importation dominante, mais la part des vins en vrac (importés en fûts ou cuves puis embouteillés localement) augmente progressivement. Cette méthode est prisée pour sa réduction des coûts et son potentiel de valorisation locale. En raison de la dépréciation du yen et de la hausse des coûts logistiques, le prix moyen des vins importés est en hausse. Parallèlement, le marché des vins premium se développe, accentuant la polarisation entre vins bon marché et vins haut de gamme.

2. Tendances récentes de consommation

Autrefois réservé aux occasions spéciales, le vin est désormais consommé plus régulièrement à domicile.Chez les consommateurs urbains âgés de 30 à 40 ans, le vin est souvent choisi pour accompagner les repas, pour son image plus saine que celle d’autres boissons alcoolisées, ainsi que pour son potentiel de visibilité sur les réseaux sociaux.
La cuisine japonaise tend à s’occidentaliser, et la consommation de vin a considérablement augmenté au cours des quarante dernières années.

Cependant, le désintérêt croissant des jeunes pour l’alcool impacte également le marché du vin. Les entreprises s’adaptent en proposant des vins légers, faciles à boire, voire sans alcool ou à faible teneur en alcool.
La montée de la conscience écologique stimule l’intérêt pour des méthodes de production durables. Les vins écoresponsables et les vins naturels s’imposent progressivement comme des catégories de valeur établies. Cette tendance est particulièrement visible dans les grandes villes comme Tokyo, où l’on observe une multiplication de restaurants et de bars à vin qui intègrent les vins naturels au cœur de leur stratégie marketing.

3. Évolution du régime douanier

Les droits de douane sur le vin au Japon ont été profondément modifiés par l’expansion des accords de libre-échange. L’APE Japon-UE, entré en vigueur en 2019, a supprimé immédiatement les droits de douane sur les vins européens (France, Italie, Espagne), renforçant leur compétitivité. Les vins chiliens bénéficient également d’une exonération douanière depuis 2015. Les vins américains et australiens sont encore soumis à certains droits, mais ceux-ci diminuent progressivement grâce au Partenariat Transpacifique (TPP).

Aujourd’hui, la plupart des vins des grands pays producteurs peuvent être importés au Japon avec des droits faibles voire nuls, ce qui équilibre la compétitivité internationale.

4. Attractivité, risques et sensibilité au prix du marché japonais

Bien que la consommation de vin par habitant soit plus faible qu’en Occident, le Japon se distingue par une forte préférence pour la qualité et une fidélité aux marques.
La connaissance du vin reste limitée, mais les consommateurs japonais valorisent le goût, le parfum, mais aussi l’histoire du produit, la philosophie du producteur et le design de l’étiquette.
Les principaux risques incluent la hausse des coûts d’importation due à la faiblesse du yen, la baisse de la consommation liée à l’inflation, et le vieillissement démographique. Cependant, la sensibilité au prix évolue : les consommateurs privilégient désormais le rapport qualité-prix et les valeurs ajoutées plutôt que le simple bas prix.

5. Polarisation de la consommation et potentiel du vin japonais

Le marché se divise entre vins importés accessibles et vins premium.
Dans les grandes villes, les consommateurs sont prêts à dépenser davantage pour des produits rares, durables et porteurs d’une histoire.
Peu connu à l’étranger, le vin japonais (issu à 100 % de raisins locaux) connaît une amélioration qualitative remarquable. Les régions viticoles japonaises développent des stratégies d’exportation, tandis que les domaines locaux misent sur le branding régional et le tourisme œnologique pour créer un marché premium basé sur le consommer local.

Conclusion

Le marché japonais du vin, stimulé par les accords de libre-échange, entre dans une nouvelle ère où la diversité des goûts et des valeurs prime sur la simple compétition tarifaire. C’est un marché toujours attractif pour les importateurs étrangers, mais aussi une opportunité pour les vins japonais de gagner en visibilité internationale.

Sources :

EU business in japan
https://www.eu-japan.eu/eubusinessinjapan/procedures/economic-partnership-agreement/epa-wine?utm
Rapport USDA
https://apps.fas.usda.gov/newgainapi/api/Report/DownloadReportByFileName?fileName=+Opportunities+Growing+for+Wine+in+Japan_Tokyo+ATO_Japan_JA2023-0060.pdf&utm
Kirin Horldings
https://www.kirinholdings.com/jp/investors/files/pdf/market_wine_2024.pdf